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Réussir sa transition vers le SaaS

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Transition SaaS FR

Les années 2010 ont marqué un tournant majeur avec l'évolution des logiciels traditionnels « on-premise » vers le modèle SaaS (Software as a Service), impulsée par les grands éditeurs américains. En 2011, Microsoft est un des premiers à inaugurer cette transition avec le lancement d'Office 365, suivi en 2012 par Adobe qui introduit Creative Cloud.

C’est une innovation à deux dimensions : d’une part, un changement de modèle de revenu, passant de la vente de licences + maintenance à une formule par abonnement ; d’autre part un nouveau mode de déploiement, la transition s’accompagnant souvent à court ou moyen terme d’une migration vers le ‘Cloud’ à la place de l’installation en local. 

Les éditeurs qui émergent dans les années suivantes ont tous ou presque développé des produits nativement ‘SaaS’, offrant ainsi à leurs utilisateurs une fluidité d’accès et d’usage, et sécurisant pour eux-mêmes un flux de revenus récurrents. 

Pour autant, entre les géants du logiciel et les start-ups de l’ère digitale, de nombreux éditeurs historiques n’ont pas achevé voire pour certains pas commencé leur transition. Pourquoi et comment conduire la transition vers le modèle SaaS ? Quelles étapes et clés pour réussir ? Quels écueils éviter ?

Nous vous proposons ici quelques pistes de réflexions.

Pourquoi mener une transition vers le SaaS ?

L’engouement pour le SaaS n’est pas surprenant : le modèle de revenu en abonnement permet un cercle vertueux entre acquisition et investissement, tandis que le mode de déploiement cloud offre des perspectives d’optimisation des coûts tant pour l’éditeur que pour le client.

Le cercle vertueux du modèle SaaS s’explique par :

  1. Une visibilité renforcée sur les revenus futurs via l’abonnement, a fortiori en cas d’engagement annuel ou pluriannuel
  2. Des perspectives de monétisation accrues, via des campagnes d’upsell-cross-sell et/ou des hausses annuelles justifiées par l’amélioration continue de la valeur délivrée
  3. Des investissements dans le développement produit mieux pilotés et pertinents grâce à la meilleure visibilité financière et la collecte des données d’usage dans le cloud qui permet une priorisation facilitée de la feuille de route
  4. Des utilisateurs et clients plus satisfaits, grâce à la mise à disposition d’un produit continuellement amélioré et toujours à jour
  5. Des cycles d’acquisition de nouveaux clients souvent plus courts qu’avec le modèle On Premise, avec un produit plus standardisé et un temps de déploiement nettement accéléré

Une transition qui peut être complexe

Toutefois, la transition vers le modèle SaaS peut avoir des implications fortes sur trois dimensions à ne pas sous-estimer :

  • L’évolution des revenus à court terme
  • La relation avec les clients historiques
  • Les prérequis techniques pour déployer avec succès

Evolution des revenus

Comme l’a démontré Ben Thompson dans sa newsletter Stratechery, l’évolution des revenus de l’éditeur suit typiquement une « courbe en J » lors du passage de la vente de licences + maintenance à un modèle en abonnement :

  • En début de transition, la première année, les revenus diminuent : pour chaque nouveau client, l’éditeur enregistrera seulement la valeur d’un an d’abonnement, alors qu’il facturait auparavant un montant typiquement 2 à 4 fois supérieur en vendant une licence perpétuelle. Les coûts de développement produit liés au passage en SaaS, eux, sont bel et bien réels dès le début de la transition, diminuant ponctuellement la profitabilité.
  • Au fil des années, la tendance s'inverse : l’abonnement annuel est généralement deux à trois fois supérieur au montant de la maintenance facturé auparavant. Parallèlement, les coûts de développement tendent à se stabiliser après l'effort initial.

Anticiper ces effets croisés sera donc clé pour bien planifier les investissements, et ne pas juger prématurément et négativement la performance du modèle SaaS avant l’atteinte de son plein potentiel.

Revenus, profits, cash-flows

Réticence possible des clients historiques

Malgré la démocratisation du modèle, certains clients peuvent rester réticents et plus difficiles à convaincre.

Les principales objections rencontrées concernent le modèle de déploiement : l’hébergement dans le cloud peut susciter des interrogations en matière de cybersécurité et de contrôle des données. Certains acteurs peuvent aussi hésiter à franchir le pas en raison des investissements conséquents réalisés dans leurs infrastructures IT locales et des équipes recrutées pour les opérer.

Le modèle de revenu peut également créer quelques frictions initiales, faisant passer ces dépenses logicielles d’une poche ‘Capex’ ou investissement amortissable à une poche ‘Opex’ ou budget de fonctionnement, parfois pilotées très différemment.

Investissements dans le produit et l’infrastructure

D’importants efforts devront être déployés pour que le produit soit disponible dans un environnement cloud. Certains éditeurs ‘profitent’ même de cette étape pour réécrire une grande partie de leur code, prenant un pas de recul vertueux mais couteux sur l’empilement de fonctionnalités accumulé dans le temps.

L’éditeur devra par ailleurs mettre en place ces fameuses infrastructures Cloud, prenant à sa charge des serveurs et/ou des capacités réservées chez les grands hébergeurs, auprès desquels les coûts seront plus difficiles à optimiser avant l’atteinte d’une certaine échelle.

Les facteurs clés de succès pour une transition réussie

Pour réussir sa transition, il faut donc porter une attention particulière aux facteurs clés de succès suivants :

  • Comprendre les besoins clients
  • Anticiper les coûts marginaux du cloud
  • Aligner le modèle de prix avec la valeur délivrée
  • Préparer la migration
  • Transformer son organisation

Comprendre les besoins clients

La transition SaaS suppose souvent de redévelopper au moins partiellement une partie du logiciel, ce qui suppose de s’interroger sur les besoins clients des clients, aujourd’hui et demain : parmi toutes les fonctionnalités mises à disposition au fil du temps, lesquelles répondent à des besoins réels et communs à l’ensemble de la base ? Lesquelles sont niches, voire obsolètes ? Quels cas d’usage nouveaux et besoins émergents demain ? Quels éléments adresser en priorité car leviers clés de conversion vers ce nouveau produit ?

Notons qu’il est tout à fait envisageable que l’ensemble des fonctionnalités de la version ‘On-Premise’ ne soit pas disponible sur le cloud au lancement de l’offre SaaS. Au fil du temps, la version cloud intégrera progressivement de nouvelles fonctionnalités, voire à terme en comptera plus que l’offre on-premise, ce qui constituera un autre argument fort de migration vers le modèle SaaS.

Concernant l’offre commerciale, il faudra trouver l’équilibre entre simplicité et différenciation. Le passage en SaaS est souvent l’occasion de revoir et simplifier un catalogue produit où les add-ons s’étaient multipliés historiquement, pour chercher à générer du revenu additionnel avec la vente de nouvelles licences. L’offre SaaS gagnera à être structurée autour d’un nombre raisonnable de plans et options pour couvrir la diversité des besoins clients sans faire du sur-mesure.

Anticiper les coûts marginaux

L’hébergement cloud peut générer d’importants coûts additionnels, selon le volume de données traité et le déploiement single vs multi-tenant notamment.

Pour les absorber, les éditeurs de logiciels peuvent agir sur deux leviers :

  • Métriques de prix : le recours à de nouvelles métriques peut permettre d’aligner l’usage de la solution et les revenus dégagés. Twilio facture notamment au nombre de SMS ou messages WhatsApp plutôt qu’au nombre d’utilisateurs, métrique reine en licence perpétuelle. Autre exemple, en 2012 quand Adobe transitionne vers le SaaS, il complète son modèle à l’utilisateur par une facturation au stockage additionnel au-delà de la limite imposée par la souscription
  • Niveau de prix : certains éditeurs appliquent un premium de prix pour la version hébergée de leur logiciel, allant jusqu’à 50 % pour les systèmes les plus lourds. Dans notre vision, cette étape doit être transitoire, parce qu’elle va créer une barrière supplémentaire à l’adoption du modèle SaaS. Une fois les coûts d’infrastructure maitrisés, l’attractivité tarifaire des versions SaaS sera une aide précieuse pour la migration de la base client

Aligner modèle de prix et valeur délivrée  

Au-delà de la couverture des coûts d’infrastructure, la transition vers le SaaS est aussi l’opportunité de revisiter le modèle de prix pour capitaliser sur le développement des usages et générer de la croissance organique.

Si les modèles à l’utilisateur demeurent très pertinents pour des solutions de type Salesforce, où chaque utilisateur créera ses propres workflows, ils le sont moins pour des solutions générant des gains de productivité et pouvant amener à terme la réduction de la taille de l’équipe. La/les métriques de prix doivent être évaluée(s) à l’aune des tendances d’usage anticipées.

Lorsque c’est possible, les métriques de prix mesurant directement l’impact de la solution sont une piste à privilégier : Shopify fonde ainsi son modèle sur un % de la valeur des ventes réalisées par les sites d’e-commerce qu’il opère.

Bien souvent le bon modèle sera une combinaison de métriques reflétant la taille de la structure équipée d’une part, et l’usage d’autre part.

Préparer la migration de la base installée

En parallèle de la (re)définition du produit et du modèle commercial, le travail de préparation de la migration de la base clients est essentiel car une part importante des revenus à court terme se fera via la transition des clients historiques.

Un tel chantier doit se dérouler par étape selon un calendrier posé à l’avance au regard des objectifs et des techniques employées.

On migrera d’abord les clients les plus réceptifs (early adopters) en s’appuyant sur des mesures incitatives ou « carottes » : remises, accès à des fonctionnalités supplémentaires sur la version SaaS, upgrades gratuits… Ces incitations doivent toutefois être limitées dans le temps pour préserver les marges.

Ensuite, des mesures plus « coercitives » (stratégie du bâton) peuvent être appliquées pour les clients réticents, comme l'augmentation progressive du prix de la maintenance, la restriction des nouvelles fonctionnalités à la seule version SaaS, et à terme l’arrêt du support sur les versions on-premise.

Dans tous les cas, évaluer à l’avance, client par client, les offres de destination et effets prix est indispensable pour guider l’équipe commerciale et prévoir tant les mesures d’accompagnement que les impacts sur le revenu dans le temps.

Une transformation de l’organisation

La transition vers le SaaS n’est pas seulement un changement de modèle, mais une transformation complète de l’organisation de l’entreprise, à travers toutes les fonctions :

  • Marketing et Produit doivent désormais continuellement adapter l'offre en mettant les besoins clients au cœur de leur réflexion
  • Les équipes commerciales devront s’approprier une nouvelle façon de vendre, maitriser de nouveaux argumentaires, et pourront s’appuyer sur des données riches pour prioriser leurs initiatives de rétention ou d’upsell
  • Le support doit prendre une nouvelle dimension, passant de la résolution de bugs à l’engagement proactif du client dans le produit, éventuellement via la création d’un fonction ‘Customer Success’ dédiée
  • L’équipe ‘Professional Services’ sera elle aussi amenée à se réinventer, le modèle SaaS visant à réduire le temps d’implémentation
  • La fonction finance devra adapter tant les KPIs suivis que les schémas d’incentives et l’allocation des ressources
  • … jusqu’à l’équipe juridique qui doit faire évoluer les contrats, les CGV revêtant une nouvelle ampleur stratégique

Prévoir et suivre la conduite du changement sera peut-être l’ingrédient le plus important dans le succès de la transition.

L’accompagnement Simon-Kucher pour aller plus loin

Cet article vous a proposé des axes de réflexion autour de la transition d’un modèle on-premise vers un modèle SaaS.

Simon-Kucher vous recommande par ailleurs de mener une étude stratégique pour éclairer vos choix. Nos équipes peuvent vous accompagner tant dans la définition de votre modèle commercial cible en SaaS que dans la définition d’un plan opérationnel de migration adapté à votre entreprise, votre produit et vos clients.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’accompagnement que Simon-Kucher peut vous proposer, vous pouvez contacter nos experts.

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