Le secteur des business services (services aux entreprises) constitue un rouage essentiel de la vie économique française. Après des années de croissance soutenue, il est aujourd’hui confronté à de multiples enjeux : un tournant à négocier pour ces sociétés riches de possibilités, et dont la réussite repose désormais sur un juste équilibre entre professionnalisation des cœurs de métier et développement de nouveaux territoires.
Couvrant des domaines aussi variés que les ESN, les services généraux, la restauration collective, l’audit, le conseil, la certification ou encore la sécurité, le secteur des business services, représentait près de 45% du chiffre d’affaires du secteur des services français en 2021. Il peut se prévaloir de nombreux leaders mondiaux tels que Capgemini, Bureau Veritas ou encore Sodexo, pour n’en citer que quelques-uns. Pilier du paysage économique français, où il représente 36% de l’emploi total, ce secteur a connu, depuis les années 1980, une forte progression.
Les sociétés de business services ont en effet bénéficié de marchés porteurs, protégés par de solides barrières à l’entrée, notamment en termes d’expertise forte et de compétences humaines de pointe. L’intérêt des acteurs du private equity pour le secteur témoigne de sa bonne santé : attentifs au potentiel de ces marchés convoités, leur prise de participation a augmenté de plus de 30% entre septembre 2021-2022 et septembre 2022-2023[1].
Alimentés par une demande forte, offrant souvent des prestations pesant peu dans la structure de coûts de leurs clients – le contrôle technique réglementaire de chantiers de construction ne représente par exemple que quelques pourcents du montant total des travaux –, et bénéficiant de taux de rentabilité élevés, les acteurs des business services ont profité pendant quelques décennies d’une croissance soutenue sans qu’il leur soit nécessaire de professionnaliser leur approche commerciale et leur stratégie de développement.
Un secteur face à de profonds changements conjoncturels
Cette combinaison de circonstances favorables connaît de profonds changements depuis quelques années, exigeant des acteurs du secteur une remise en question de leurs pratiques, voire de leur modèle d’affaires dans son intégralité.
Avec l’augmentation de la concurrence, la guerre des talents est venue ébranler le secteur. Les taux de turnover demeurent historiquement élevés dans les entreprises françaises, et 87% des sociétés peinent à recruter des candidats adaptés. De l’immobilier à l’informatique, du conseil financier à la logistique, les acteurs des business services s’affrontent autour du capital humain, pierre angulaire de leurs compétences et de leur avantage concurrentiel.
Les entreprises des business services assistent par ailleurs à une « commoditisation » de certains de leurs services, nourrie notamment par une professionnalisation des départements achats de leurs clients ainsi que par la concurrence de nouveaux entrants, lesquels adoptent une politique de prix très agressive dans leur conquête de parts de marché.
Enfin, le secteur se trouve confronté à un contexte économique de plus en plus complexe. L’envol de l’inflation depuis 2020 met à mal la rentabilité des entreprises ; les faillites se multiplient, en hausse de 42,5% entre juillet 2022 et juillet 2023. Malmenées par la hausse de l’énergie, une confiance et une consommation en berne, ainsi que par les incertitudes géopolitiques, les entreprises durcissent leurs choix en matière d’achats, pesant ainsi sur les résultats des sociétés de business services.
Des leviers efficaces pour une croissance renouvelée
De nombreuses pistes de croissance restent cependant ouvertes à l’ensemble des business services, fondées sur des leviers de développement efficaces et concrets. Sur le pricing tout d’abord, il s’agit de basculer d’une approche dite « cost+ » des activités, fondée essentiellement sur le matériel et le temps passé auquel est ajouté une marge cible, à une stratégie de pricing « value-based », axée sur une compréhension fine de la valeur perçue par les clients des services proposés. Cela permettrait de déconnecter les prix des coûts (intéressant en période de ralentissement de l’inflation), et de mieux capter la volonté de payer des clients.
D’autre part, une évolution des mentalités s’impose. Historiquement robustes dans leur capacité à proposer et vendre un service de qualité, les équipes commerciales des sociétés de business services ont fait de la satisfaction client leur priorité : un biais qui peut générer un certain embarras lorsqu’il s’agit de revaloriser leurs services (le « syndrome de l’imposteur ») – une mesure pourtant nécessaire au bon développement du secteur.
La professionnalisation sur les questions de rétention revêt également une importance cruciale, une meilleure exploitation de la base clientèle existante étant l’une des clés de la croissance du secteur. Préalable à tout choix stratégique en la matière, une compréhension affinée des besoins des clients permet de construire une segmentation efficace. Il devient ensuite possible d’élaborer une offre différenciée, pertinente pour chacun des segments définis. Cette différenciation facilitera notamment l'acquisition de nouveaux clients en proposant une offre plus compétitive, comme l'a démontré un expert spécialisé dans la sécurisation de chantiers et de biens immobiliers vacants qui a ainsi réussi à élargir sa clientèle.
Ce travail sur l’offre ouvre la voie à une réponse mieux adaptée aux besoins des clients, une meilleure valorisation des services fournis, ainsi qu’une monétisation au moyen d’upsells vers des strates de services plus élevées.
Pas de transformation sans diversification et innovation
Pour l’ensemble des verticales des business services, des secteurs entiers apparaissent. L’intelligence artificielle notamment, dont l’évolution exponentielle nécessite une adaptation profonde de la part de nombreuses entreprises, représente un réel potentiel pour les spécialistes des services du numérique : il est prévu que ce marché, dont la croissance devrait atteindre en moyenne 37,5% jusqu’en 2029, atteigne jusqu’à 577 milliards d’euros à cette date. Parallèlement, de nouveaux besoins émergent. La constante évolution des réglementations en matière de responsabilité environnementale et sociale ouvre de larges horizons pour les sociétés de conseil juridique et RSE. Les nouvelles exigences en matière de performance énergétique, par exemple, profitent au marché des services d’efficacité énergétique (tels que l’analyse et le diagnostic, le pilotage systèmes ou encore l’ingénierie), qui représentait plusieurs milliards d’euros en 2023.
De nouveaux modèles de revenus sont également apparus, qui révolutionnent le marché des business services : le modèle « SaaS »(Software-as-a-Service), en apparence réservé aux seuls éditeurs de logiciels et aux acteurs de la tech, est riche d’enseignements pour le secteur. Il ouvre en effet l’accès à la mise en place de revenus récurrents, limitant ainsi l’attrition du portefeuille clients. Une plateforme de services et de paiements spécialisés dans le monde du travail a par exemple innové en mettant en place un modèle d’abonnement, directement connecté au système d'information de gestion des ressources humaines (SIRH) de chaque entreprise cliente, permettant ainsi une facturation mensuelle en euros par utilisateur. Une solution attractive pour les clients, grâce à un ajustement ultra-fin et une prédictibilité de leur budget et un avantage concurrentiel considérable pour le prestataire.
Les business services abordent actuellement une étape cruciale de leur évolution. En actionnant quelques leviers efficaces sur leur cœur de métier historique et en faisant une large place à l’innovation pour renforcer l’unicité de leur proposition de valeur, les acteurs du secteur détiennent toutes les clés de leur futur développement.
[1] Source Simon-Kucher